Les semeuses

Vanessa Simon Catelin - 2014

hommage-a-hokusai-serie-II-n-6

© Philippe Pierre

Poème à dire et à danser à plusieurs voix de femmes. La première strophe et la dernière ouvrent et ferment le poème. Entre deux, chaque strophe peut être dite une ou plusieurs fois, dans l’ordre ou le désordre.

Je Je suis !
Je suis semeuse en liberté
Ni publique ni mariée
Aux ailes tout juste déployées.

— Je suis enfance Respiration d’entre les mondes Engoulevent des rêves extrêmes.
— Je suis herbe Bonne ou mauvaise, montée en graine Germée de lune, toujours croissante.
— Je suis palette Vive ou pastelle, entière ou nuancée Berceuse ou cri d’orfraie.
— Je suis le mot Tombé de haut, l’ordre piétiné « Oyez oyez! » sous les pas martelés.
— Je suis mémoire Et résistance, fulgurance et béance Rature et conséquence de tous mes essais.
— Je suis obsolète Arpentant le passé, la fibre des mots Les vieilles peaux de papier.
— Je suis élastique Labyrinthique, araignée tisserande Ariane au bout du fil.
— Je suis estuaire Et embouchure, réminiscence et vision Rencontre en eau saumâtre.
— Je suis semeuse et amoureuse L’ensemencée des beaux quartiers, tendre putain Ne vous déplaise – dénicheuse d’humanités.
— Je suis squame Écorchée vive, à fleur de peau Squamate, squamule, reptile ou papillon.
— Je suis ventre Ventricule des peuples, à l’unisson Ventriloque des minorités, sous pression.
— Je suis avarie Avis de passage, outrance et orgasme Cabale sur les pavés, la plage à mes pieds.
— Je suis orgiaque Et dionysiaque, rite secret d’abondance Excès goulus de jouissance.
— Je suis frivole Phrygienne, phréatique Cocarde sous mon bonnet.
— Je suis Marie-salope Dragueuse des bas-fonds Chaland-refuge des paumés.
— Je suis buste Et juste femme – c’en est déjà bien assez Une république décolletée.
— Je suis entrailles Entaillée vive sous les chairs Bleues blanches, ou rouges carminées.
— Je suis féconde Sphérique, ronde et légère Sous mes jupons, la vie
— Je suis l’âtre Et le néant, la présence dans l’absence Le rêve à rattraper
— Je suis ombilicale Enclume au bout des chaines Amarrée haute, au fond des vases.
— Je suis squat Square publique, espace protégé Hantée par ceux qui résistent à m’aimer.
— Je suis semeuse à la volée Nue sous la râpe des langues Ebahie sous les rires, éparpillée.
— Je suis timbrée Tapageuse et dissipée, colporteuse De petits touts et de grands riens.
— Je suis griotte Et balafon, passeuse d’histoires ou bien d’esprits Migrante sous le manteau, vierge à la plume de saison.
— Je suis colossale Golem aux pieds d’argile Poussière au gant velours.
— Je suis semeuse et je suis Monde De glaise et d’or ou bien d’acier Je suis précieuse et vagabonde Pétrie de main d’humanité.