Dans la terrible précarité de la vie, l’artiste intervient comme un grain de sable dans les rouages de l’ordre installé. Il sape et saborde les certitudes d’un Etat confortable et crée des failles dans l’enceinte sans âme de la société.
Et si l’art était… une maladie. Et si l’art était la manifestation d’une maladie, les symptômes d’une maladie due à des erreurs, des imprudences, des abus, des accidents, des malveillances, des mensonges, des crimes… de la société.
Et si l’artiste, sans belligérance, sans violence manifeste était à l’origine d’une sorte de fièvre, de bubons, de difformités, de tumeurs qui perturberaient l’ordre établi.
Et si l’artiste, par la création, venait effectivement saper les certitudes confortables des bien-pensants, des « croyant-bien-faire », des pseudo-puissants, des « parano-savants » ???
Ce sont bien toutes ces questions que je me pose en parcourant l’œuvre de Pénélope.
Pourtant Pénélope aime le monde… enfin le monde en chair et en os s’entend, car Le Monde (papier), elle le lit.
Pénélope aime la colle, ça se voit. Si sa toile est son métier à tisser, les articles de journaux ses fils, la colle c’est sa navette, mazette ! Quelle patience elle a !
Pénélope aime être informée. Elle nous le dit et insiste. Le Monde insiste aussi quelquefois. D’autres fois Le Monde crie dans le désert, écrit pour ne rien dire quoi.
Si Le Monde est sa palette, les articles et les mots sont ses couleurs.
Quelques monochromes nonobstant, pourtant Pénélope aime Pollock, Klein bien moins, dans ses tableaux, des couleurs reviennent souvent. Sur celui-ci il y a beaucoup de « haine » de « racisme », de « terrorisme ». Ce sont des couleurs très chaudes, brûlantes même, il en faut très très peu dans un tableau sinon ça craint.
Dans celui-là, on y trouve du noir, « Auschwitz » est un mot très noir que Pénélope emploie quelquefois dans la palette du Monde, mais pas souvent, pas trop. De toute façon, le noir c’est même pas une couleur, na !
Parfois encore, Pénélope mêle Picasso à tout ça. Picasso il aurait bien aimé parce qu’il a peint Guernica, et que déjà à cette époque-là, le catalan au tricot de marin, avait les mêmes tracas.
Le Monde aime bien le monde. Le monde a des soucis et Le Monde parle de ça…
Du chômage, tiens ! C’est souvent que ça revient : La pauvreté, les cités délinquantes, les mal logés…Le Monde comprend le problème, mais attention, faut pas le prendre pour l’Abbé Pierre.
Pénélope tisse, au fil du temps ses œuvres singulières. Ses mots patiemment collés troublent les convictions funestes. Pénélope ne juge pas. Elle montre, elle témoigne de ce qui a été bien écrit, à peu près écrit, mal écrit et puis, plus écrit du tout.
En 2012 , s’inspirant du « Cri » de Munch « On crie pour taire ce qui crie » aurait dit Henri Michaux, elle nous montre un gentil filou à l’abri des besoins, qui lui, ne crie pas. Hé !
Pénélope est une femme. Et Le Monde parle des femmes.
Le monde des femmes c’est le sien à Pénélope bien sûr.
Les avortements clandestins, les violences faites aux femmes, les mutilations sexuelles, Le Monde il n’aime pas ça.
Pénélope le tisse, le colle et hop, elle en fait un tableau.
Pénélope ça s’écrit au féminin pluriel !
Pénélope aime le japon. Le Monde aussi.
Pénélope aime HOKUSAÏ et s’inspire de ses estampes. Le Monde parle beaucoup du Japon, de FUKUSHIMA par exemple et nombre de ses journalistes on fait un beau voyage en brûlant beaucoup de kérosène pour aller vers l’Empire du Soleil Levant.
La vague du tsunami avait fait un raz-de-marée, bien saignant au début et Le Monde had talked about it.
Beaucoup de mots (une vraie diarrhée aurait dit Salvador Dali) avaient dévalé des colonnes du Le Monde. La Une en avait plein la figure de mots sanglants comme « désolation et angoisse » ou « silence coupable » ou même « menace nucléaire »… ça rigolait pas alors !
Puis faut croire que ça a moins saigné ou que les lecteurs ont eu d’autres chats à fouet… lire, parce que si les premiers tableaux de Pénélope ont été bouclés en quelques jours, le dernier à eu du mal à s’achever. C’est pour ça que le Mont Fuji semble bien calme au milieu de son ciel de mots. Peut être que Le Monde voulait nous faire croire que tout allait bien alors.
Mais moi, j’aime bien HOKUSAÏ et le monde aussi, mais je ne lis pas Le Monde.
Alors je compte sur Pénélope et je me dis en écrivant ces quelques mots de la fin que je vis, en cette fin de printemps 2014, drôlement tranquille à quelques mètres de la mer. J’observe les mouettes -tiens, c’est des Euros, les mouettes de Pénélope au fait – qui planent sur la mer calme et bleue. Tout est paisible ici, maintenant.
Mais je sais, grâce à Pénélope que l’on trahit, que l’on ment, que l’on viole et que l’on tue… quelque part.